Paris, le 8 novembre 2013
Félix Vallotton travaille le décalage. Notamment lorsqu’il se met en scène dans ses toiles. L’artiste en effet semble s’amuser à se glisser dans ses intérieurs, surveillant la scène, y participant discrètement. Mais son apparition est toujours discrète : une de ses gravure à peine visible est accrochée au mur, un buste le représente sur une cheminée.
Ce décalage est également présent dans ses compositions. Ainsi, quand il construit ses paysages en combinant ses croquis dessinés assis et ceux réalisés debout, il parvient à renverser étrangement la perspective. Un jeu s’installe avec le spectateur : les paysages apparaissent comme intemporels et nous entraînent dans un univers proche du rêve, une exploration des songes. Une intimité se noue, les scènes qui nous sont présentées font appel à notre imagination.
Ses intérieurs présentent souvent des anomalies discrètes, comme le cadre curieusement penché du Haut-de-forme (ou La visite), qui invite à l’interprétation, au renouvellement du premier parcours de notre regard.
De ses nus, aux contours très appuyés, se dégage une forme de froideur loin de la sensualité que l’on pourrait attendre de ces corps alanguis, mais aussi une note de défi avec ces femmes qui fixent voire dévisagent le spectateur.
« Félix Vallotton, le feu sous la glace » au Grand Palais est une invitation à jouer de notre regard pour participer pleinement à l’oeuvre. Au fil des tableaux, des thèmes de l’exposition, le spectateur s’amuse à chercher ces décalages, ces subtilités propres à l’artiste pour mieux comprendre son geste, sa spécificité, sa sensibilité.
Camille Chanod et Laura Basilis
Images: Misia à sa coiffeuse, Félix Valloton & Le Repos des modèles, F. Valloton